Grand admirateur de Rousseau, il se fait connaître en écrivant
Leonard et Gertrude, un roman populaire visant lédification
morale des mères, des pères ou autres citoyens suisses.
Dans Une Gazette Suisse, il livre chaque semaine une chronique par
laquelle il veut faire connaître les hommes tels quils
sont. Son réalisme est particulièrement apprécié.
Ses positions politiques en faveur de la démocratie et de légalité
des citoyens reçoivent donc un certain écho et, en 1792,
il sera même nommé citoyen dhonneur de la révolution
française.
Choqué par les massacres de Septembre, lexécution
de Louis XVI, le déchaînement de la Terreur, ainsi que
les guerres de propagande entreprises par la France, Pestalozzi entend
montrer comment ses utopies rousseauistes ont été malmenées.
Il continuera jusquau bout à croire que la Nature (la
création) est fondamentalement bonne mais ses échecs
répétés lui font observer que lhomme, laissé
à lui-même, devient insupportable et dangereux pour la
société sil ne reçoit pas une solide éducation
morale. Il est alors convaincu que ce nest pas par la politique
mais par léducation quil doit continuer son combat
pour la liberté.
Pestalozzi devient alors instituteur à Stans, puis à
Burgdof avant douvrir son fameux institut à Yverdon.
Il opère une révolution dans le monde de léducation
en refusant de se limiter à la seule instruction intellectuelle
: pour lui, léducation doit développer simultanément
le cur (le savoir être), la tête (le savoir), et
la main (le savoir-faire). La clef de voûte de sa méthode
ne tient pas dans la transmission dun savoir mais dans la construction
dune morale individuelle.
Cette pédagogie du cur passe par lapprentissage
du vivre-ensemble où lon découvre la force de
lunion mais aussi les limites de sa propre liberté. Elle
valorise une éducation religieuse qui se concentre sur le seul
message de lamour en refusant tout énoncé dogmatique.
Elle promeut un respect du rythme de lenfant dans létude.
Pestalozzi appelle cela une éducation naturelle car elle sadapte
à la diversité de la création. Pour lui, léducation
doit se plier aux lois de la nature. Lamour dont nous témoignons
dans léducation sera ainsi à limage de celui
de Dieu pour chacune de ses créatures.
Lhumanisme de Pestalozzi est ancré dans sa culture
chrétienne et piétiste mais il lui arrive de se dire
non-chrétien tant cette doctrine lui semble parfois inaudible
pour le peuple. Il se fait de nombreux ennemis en critiquant lapprentissage
par cur du Catéchisme de Heidelberg, systématiquement
utilisé comme méthode de lecture à lépoque.
« Je crois que le Christianisme est le sel de la terre, mais
si haut que jestime ce sel, je crois cependant que lor
et les pierres, le sable et les perles, ont leur valeur indépendamment
de ce sel, et que lordre et lutilité de toutes
ces choses doivent être pris en considération indépendamment
de celui-ci. Je pense en effet que toute la fange de ce monde a son
ordre et son droit indépendamment du christianisme. »
(Lettre à Nicolovius, 1793)
Pestalozzi se sait porté par sa foi, nourri par ses convictions
chrétiennes et cherche comment les transmettre tout en respectant
« la marche de la nature dans lévolution du genre
humain » (Titre de son ouvrage philosophique). Si Pestalozzi
a tellement marqué le monde de léducation et si
nous avons si peu retenu son nom, cest justement parce quil
na jamais livré de recettes de cuisine, de méthodes
clefs en main. En homme de terrain, responsable et conscient de ses
limites, il nous invite non pas à appliquer sa méthode
mais à entrer dans sa démarche.