Nous savons depuis
longtemps, hélas, que les sociétés génèrent
à leurs marges diverses formes dexclusion, de délinquance,
de déviances de toutes sortes. Nous agissons par compassion,
par sens de la dignité, parfois par bonne conscience. En tant
que chrétiens, face au scandale que sont la misère et
la souffrance humaine, nous agissons certes par humanisme, mais aussi
pour des raisons qui nous sont spécifiques. Quatre points ici
nous intéressent.
La loi
S.D.F. devant les grilles du prestigieux Opéra de Paris,
2006. Photo Taolmor © Fotolia.com
|
Très tôt dans lhistoire, le peuple
hébreu réalise que les plus faibles, veuves et orphelins,
symbolisent ces exclus quil faut protéger avec les émigrés,
population particulièrement exposée hier comme aujourdhui,
et dans la situation quIsraël a vécue en Égypte.
Pour leur époque, avec la loi, les Hébreux sont très
en avance.
La justice
La prédication des prophètes reprend la
Loi en insistant sur la justice de Dieu qui devient peu à peu
la justice entre les hommes eux-mêmes. Le scandale de la pauvreté
est insupportable à Dieu. Ésaïe, Élie, Amos
élèvent le débat sur la condition des exclus affirmant
que Dieu est du côté de ces derniers contrairement aux
apparences.
La grâce
Cest Jésus qui radicalise le discours en
affirmant la grâce, la gratuité du Salut, la levée
des malédictions. Quil soit estropié, malade, quelle
soit prostituée ou païenne, quil soit collecteur dimpôts
ou lépreux, Jésus le guérit, le relève,
le réintroduit dans la société et signifie que
tous sont enfants de Dieu. Pas dexclus ici mais une éthique
fondée sur le pardon, laccueil, lamour. La prédication
les Béatitudes par exemple ainsi que la mort de
Jésus montrent que Dieu est résolument du côté
des maudits de la société. Dès lors quon
saffirme chrétien, comment laisser dans lindifférence
les exclus de tous bords de nos sociétés ?
Le Royaume et lhomme nouveau
Fondé sur la Loi, la justice et la grâce,
le Royaume définit un homme nouveau. Laction diaconale,
le christianisme social, deviennent signes du Royaume, prédication
de lÉvangile. Agir pour les autres, cest entrer dans
une démarche despérance car chacun est appelé
à la vie. Cest vivre lamour de Dieu qui nous est
signifié dans lÉcriture. Cest aussi partager
la joie du Royaume et la patience car nous savons que le chemin est
parfois bien long avant de voir un malheureux se relever. Agir, cest
également vivre la responsabilité que nous avons vis-à-vis
des autres. Cette responsabilité et lagir diaconal sont
un signe de la confiance que Dieu lui-même place en nous.
Ne soyons donc pas étonnés de constater
que laction envers les plus pauvres ait accompagné de tous
temps lannonce de lÉvangile. Que ce soient les Pères
de lÉglise ou les Pères de la Réforme, tous
ont insisté sur les uvres, sur lattention à
porter envers ceux que les circonstances ont défavorisés
ou détruits. Hier comme aujourdhui, cest laction
et la générosité qui marquent les esprits, interpellent
les gens. Nous ne le savons que trop, la prédication sans action
reste un discours vide, un contre-témoignage. « Faites
ce que je dis, pas ce que je fais » na jamais attiré
personne. À linverse, il est clair que laction diaconale
sans annonce de lÉvangile, sans parole vivante et forte,
ne devient que fragilité et rapidement découragement puis
abandon face à lampleur de la tâche. Ce nest
pas par idéal philosophique ou politique que nous agissons, mais
cest en répondant à lappel puissant du Sauveur
que nous allons vers ceux qui se sentent perdus, rejetés, enfermés.
Cest bien là, à la suite des prophètes, du
Jésus de lHistoire, de la « nuée des témoins
» que sexpriment la force du christianisme et le sens de
notre démarche.
Vincens
Hubac