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Numéro 197 - Mars 2006
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Résonner

Marie-Noële Duchêne nous donne son interprétation de cette célèbre photo de Marc Riboud, prise presque par hasard, et qui est devenue un symbole.

La Fille à la Fleur de Marc Riboud

Cette photo provoque en moi, au plus profond de moi, une émotion intense.

La Fille à la Fleur de Marc RiboudC’est la vie contre la mort, la lumière contre les ténèbres.

C’est l’Espérance.

Oui, déjà aujourd’hui, une vie nouvelle a commencé.

L’esthétique de la photo de Marc Riboud me procure un plaisir visuel, un choc émotionnel. Il a pris cette photo le 21 octobre 1967, à une manifestation contre la guerre du Vietnam, à Washington. C’est un portrait-symbole. Marc Riboud écrit : « Je photographie avec frénésie, la nuit tombe, j’épuise mes films, quand cette jeune fille, seule face aux baïonnettes, dessine avec une fleur le symbole de la jeunesse américaine. » Cette photo est la dernière de son film.

L’antithèse visuelle est forte. À gauche c’est l’ombre, à droite la clarté ; à gauche les silhouettes des soldats uniformisées et floues s’opposent au profil clair de la jeune fille à droite ; à gauche des hommes anonymes sont esclaves d’un pouvoir, à droite une jeune fille prend le pouvoir ; à gauche l’attitude est agressive, les poings serrés sur les fusils, les baïonnettes en avant ; à droite on voit un geste d’offrande, offrande de la vie et pourquoi pas de l’amour. C’est la paix contre la guerre, la non-violence contre la violence. Certains prétendent que la non-violence n’est pas évangélique, pas moi. Ici c’est bien « Remets ton épée à sa place » que j’entends.

Oui, la faiblesse peut se dresser contre la violence ; oui la jeune fille peut faire face aux soldats. Elle ne dit rien, elle regarde les soldats et son regard sérieux, intense, est prière. C’est sa fleur, petite et lumineuse, ce sont ses mains jointes que je vois. Les baïonnettes n’ont plus d’importance ; ces objets phalliques sont ridiculisés.

« J’ai mis devant toi la vie et la mort. Choisis la vie. » Dt 30,19. Encore plus que des paroles, cette image fait résonner au fond de moi le projet de Dieu pour l’humain. Être des artisans de paix, c’est possible, non pas en restant frileusement à l’abri mais en se levant (en ressuscitant ?) et en s’interposant.

Cette jeune fille me dit que j’ai une responsabilité personnelle face à la société, seule contre la multitude je peux faire quelque chose, un geste dérisoire mais indispensable.

Elle tient une fleur, c’est beau et fragile une fleur ; on sait les ravages que la guerre du Vietnam a faits sur la nature. La guerre remplace les champs de fleurs par des champs de mines. Dieu a rendu l’humain responsable du devenir de la création ; qu’en faisons-nous ? C’est la question que j’entends. Demain nos enfants trouveront-ils encore des fleurs dans les champs, des oiseaux dans les arbres et des poissons dans la mer ? Il y a bientôt quarante ans que cette photo a été prise mais elle est toujours actuelle. Son langage est lumineux, accessible à tous, petits et grands, savants et analphabètes. Tout le monde n’y trouve pas forcément la même chose mais personne n’y est insensible.

Personnellement j’y vois la face humaine et féminine de Dieu : plutôt la persuasion que la force, plutôt la séduction que la violence. Dieu de tendresse qui donne la vie et qui ne se résout ni à la souffrance, ni à la mort.

Cette image me secoue, me questionne, me met en mouvement ; il y a en elle une force qui agit, une force de vie ; elle est source de foi.

Avec Martin Luther King, je crois « que la vérité et l’amour sans condition auront le dernier mot effectivement. La vie, même vaincue provisoirement, demeure toujours plus forte que la mort. » feuille

Marie-Noële Duchêne

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