Certains observateurs estiment que
les délocalisations en Chine sont destructrices de valeurs humaines
et sociales. La Chine, en effet, s’est engagée dans une
course à la puissance, jouant sur le communisme scientifique
et l’ultralibéralisme. Y transférer une activité
revient à profiter d’un système que la conscience
chrétienne récuse et, petit à petit, à lui
soumettre des pans entiers des activités humaines, ceci à
l’échelle mondiale. Car les impacts négatifs se constatent
non seulement en Chine ou dans les pays d’origine de ces activités
: ils ricochent sur beaucoup de pays de la planète. Mais discerner
dans la vérité impose de ne pas exagérer les déficiences
d’un développement qui profite à beaucoup, sur place
et dans le reste du monde.
Les délocalisations ont un aspect néfaste
S’agissant de la Chine, chacun peut voir dans les médias
les limites des droits humains, les foules de migrants sans toit, la
misère des paysans, les mineurs décimés par les
coups de grisou. Les écarts de revenus et le gaspillage généralisé
des nouveaux riches frappent l’étranger. Sans parler de
la corruption que la presse ne cache plus.
Pendant ce temps, le départ des activités industrielles
ou commerciales brutalise nos pays. Leurs conséquences en chaîne
peuvent dépasser de loin la simple fermeture d’un site :
impact sur les fournisseurs, les transports, les clients, donc sur les
autres activités et l’équilibre des services publics
(taxe professionnelle supprimée, charges de reclassement et d’assistance).
Sans parler des graves conséquences sur les familles.
Mais conséquences aussi sur le reste du monde. Car la généralisation
du modèle de « l’atelier de la planète »
se traduit par la mise en coupe réglée des matières
premières et la destruction de nombreux écosystèmes.
Mais tout n’est pas sombre
Pour autant, on ne saurait limiter le développement actuel
de la Chine à ces jugements déséquilibrés.
La rapide croissance chinoise profite à un nombre de plus en
plus important de communautés de la planète.
En Chine, d’abord, la richesse individuelle s’améliore
; l’éducation a fait d’immenses progrès. L’adhésion
à l’OMC facilite l’adoption de règles que l’Occident
a édictées. La corruption recule, la préoccupation
environnementale et sanitaire est de plus en plus revendiquée
par le politique, l’initiative est encouragée. Surtout,
la Chine a réintégré la famille humaine.
Les délocalisations au profit de la Chine se traduisent en
Occident par des produits finis très bon marché et une
opportunité pour redéployer les talents et les capitaux
sur d’autres activités davantage créatrices de valeur
: les États-unis l’ont semble-t-il très bien compris.
En outre, le développement de la Chine apporte au reste du
monde plusieurs points de croissance : 5 % et plus en 2004 pour nom-bre
de pays d’Amérique latine et d’Afrique, en grande partie
grâce aux liaisons établies avec la Chine qui facilite
leur accès aux marchés mondiaux. Les interdépendances
qui se créent sont un facteur de paix mondiale, condition essentielle
du développement.
Oser délocaliser, et croire en l’homme
Multiplier ces interdépendances peut apparaître comme
la voie à suivre. Elles seules sont de nature à corriger
les nombreuses injustices de la croissance chinoise. Mais aussi à
corriger les blocages sociaux qui caractérisent notre pays. De
l’échange économique, on passe vite à l’échange
culturel. Il ne faut donc pas craindre de déplacer les activités
économiques. Croire en tout homme, où qu’il soit,
digne et prometteur dans l’ordre du regard que Dieu porte sur le
monde, sans opposer ici et là. Nous croyons que nos intuitions
sociales chrétiennes ont une portée universelle : mettons-les
en œuvre en Chine, où elles peuvent être vivifiées
par la solidarité familiale ou le goût de l’initiative.
En France aussi, où le manque de courage et de débat empêche
trop souvent de préparer les transferts d’activité.
Enfin, si cela est créateur de richesse, veiller à ce
que la Chine n’en soit pas le destinataire prépondérant
pour que le développement du monde ne s’en trouve pas déséquilibré.
Hervé
L’Huillier