Le mot est devenu péjoratif
: celui qui fait la morale se croirait supérieur, sans défaut
lui-même. Dans le langage courant, la morale est devenue une sorte
de courte vue sur la façon de se conduire, valable pour les simples
qui ont besoin dêtre guidés. Cest ainsi que
Francis Picabia écrit : « La morale est lépine
dorsale des imbéciles »; et Arthur Rimbaud : « La
morale est la faiblesse de la cervelle. » Léthique
a meilleure presse. Pourtant les sens sont les mêmes, morale venant
du latin et éthique du grec.
On oublie trop que les religions ont à lorigine
pour fonction de faire respecter un code moral devant assurer le bon
ordre de la société. Le Décalogue nous le rappelle.
Jésus est allé plus loin, en élevant la morale
jusquà lutopie de lamour total. Mais lÉglise
primitive, en focalisant le message chrétien sur le salut par
la croix, a fait passer au second plan lexigence éthique
des paroles de Jésus. Le grand théologien Adolphe Harnack
(1851-1930) a bien montré que Jésus avait délivré
un enseignement moral ; mais que lÉglise, sous linfluence
de lhellénisme, lui avait substitué une dogmatique.
Et pendant que lÉglise envahissait les esprits avec sa
dogmatique, elle faisait oublier que le centre du christianisme était
lamour de lautre, la consolation du souffrant, la lutte
contre lexclusion.
Pour Albert Schweitzer, lavenir de lhumanité
ne pouvait être assuré que par la valeur morale des individus
et seules les religions pouvaient apporter cette valeur morale.
Il paraît quil vaut mieux parler de sagesse.
Cela fait moins simplet. Alors, parlons de sagesse. Assurément,
Jésus était un maître de sagesse.
Henri
Persoz