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Édouard manet, |
Cet enfant ne comprend pas tout. Il nest pas beau. Il na pas la fière allure dun soldat. Il nous regarde de ses grands yeux noirs. Il a lair un peu triste, perdu dans sa musique et dans ses rêves. Il joue du fifre et on lécoute.
Quand Édouard Manet a proposé ce tableau au Salon de lEmpire, ces messieurs lont refusé en riant et en sindignant. Ils jugeaient cette façon de peindre vulgaire et brutale. On était habitué à une peinture lisse et belle, précise dans les détails et faite pour plaire. De beaux portraits, de jolies femmes. Et on était choqué par ce gamin mal dégrossi.
« Vous reconnaissez avoir commis ce tableau ? demandait un journaliste. Avez-vous des complices ? Faites-vous partie de la bande de M. Manet ? »
La bande de M. Manet, le groupe dit des Batignolles : Bazille, Cézanne, Monet, Renoir. Manet était leur aîné de dix ans et avait ouvert la voie à une nouvelle façon de peindre. On les appelait Réalistes, Naturalistes.
« M. Manet veut arriver à la célébrité en étonnant le bourgeois, disait-on, il a le goût corrompu par lamour du bizarre. »
Ce qui était bizarre aux yeux des tenants de la peinture académique traditionnelle était quon regarde les gens tels quils sont, et quon les aime !
Manet était ami dÉmile Zola ; comme lui il avait le cur ouvert aux gens humbles. Émile Zola avait dailleurs dit : « Luvre que je préfère cest certainement le Joueur de fifre. »
Mon cur est touché lorsquon me montre un être humble et pauvre, qui puise au fond de lui-même un élan de vie, un courage daffronter linfortune, un dynamisme créateur qui semble ouvrir sur une vie nouvelle. Je suis frappé de discerner une certaine joie qui semble monter en lui et le transcender.
Une confession de foi de notre Église commence ainsi :
Nous croyons en Jésus-Christ qui a marché, au nom de Dieu, sur les chemins où personne nallait plus, pour y trouver les hommes et les femmes que personne ne regardait plus. Il parlait aux hommes et aux femmes auxquels personne ne parlait plus. Il tendait la main là où lon fermait le poing.
En voyant le « Joueur de fifre » jai limpression justement que ce misérable enfant a croisé la route du Christ et la compris.
On lui a donné un pantalon trop grand, ses traits sont grossiers,
mais il vit, et il joue de son fifre pour nous !
par Gilles Castelnau
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Numéro 191 |
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