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Les protestants ne veulent pas être considérés comme des dissidents quil faut ramener dans le droit chemin. On a eu tort de loublier. |
Dès le début, lÉglise Catholique Romaine (ECR) a refusé den faire partie et ce refus se continue encore aujourdhui. Le Pape Pie XI en a donné clairement la raison, le 6 janvier 1928, dans lencyclique Mortalium animos : « Le siège apostolique na jamais permis à ses fidèles dassister aux Congrès des a-catholiques, lunion des chrétiens ne pouvant être procurée autrement quen favorisant le retour des dissidents à la seule véritable Église de Jésus-Christ quils ont eu jadis le malheur dabandonner. » Il ny a donc pas lieu de chercher ailleurs puisque seule lÉglise Catholique Romaine possède et lunité et la vérité. Mais les protestants ne veulent pas être considérés comme des dissidents quil faut ramener dans le droit chemin. On a eu tort de loublier.
Les mentalités changent. Un nouvel esprit douverture et de compréhension se développe avec les pontificats de Jean XXIII (1958-1963) et de Paul VI (1963-1978).Le Concile de Vatican II (1962-1965) est le premier à ne prononcer aucune condamnation ! À partir de ce concile, des observateurs catholiques sont envoyés au COE. En 1968, neuf catholiques deviennent membres à part entière de Foi et Constitution, la commission théologique du COE. Vatican II donna une formidable impulsion au dialogue catholico-protestant aussi bien au niveau des fidèles quà celui des théologiens.
Mentionnons également le groupe théologique des Dombes fondé en 1937. Bien que les textes quil signe restent privés et nentraînent pas ladhésion de tous, ils tiennent une place de choix dans lhistoire de la pensée cuménique : les accords de Lima (en 1982) sur le B.E.M (Baptême, Eucharistie, Ministère) en fournissent la preuve.
Bien avant le Concile, en 1935 à Lyon, labbé Paul Couturier instaure la Semaine de prière pour lunité. Des paroisses de quartier, proches les unes des autres, vivent ensemble un véritable cuménisme spirituel. Le succès en fut immense et dure toujours. Nous navons ni su ni voulu en voir lambiguïté. Labbé Couturier précisait « lunité telle que Dieu la veut. » Comment un protestant peut-il prier pour lunité telle que la conçoit lECR ?
Les communautés locales ont parcouru un chemin considérable. Il y a des acquis auxquels il ne faut pas renoncer : les réunions de prière ; létude en commun de la Bible ; le partage des expériences spirituelles ; la comparaison des doctrines, des traditions liturgiques et des méthodes pédagogiques ; les échanges de chaire entre prêtres et pasteurs ; les célébrations cuméniques de mariage (interdites avant janvier 1970) et aussi de funérailles. On a appris vraiment à « partager ».
On en vint à vouloir communier ensemble... et on est passé à lacte, en dépit de linterdiction (rappelée par le secrétariat catholique de lunité en avril 1983) faite aux prêtres de donner la communion aux protestants. La désobéissance a continué et prit de lampleur. Lévêque de Versailles finit par autoriser la communion dans un centre cuménique de son diocèse.
«La présence de Dieu dans le monde est une présence mystérieuse et impossible à précipiter. Tout aussi impossible à préciser sont les limites de lÉglise. Cest seulement dans un but de domination et de puissance à exercer quon croit possible de la fixer.» Nicolas Berdiaeff, Dialectique existentielle du divin et de lhumain (1947). |
Le pape Jean-Paul II mit fin à leuphorie en publiant le 17 avril (jeudi saint) 2003 lencyclique Ecclesia de Eucharistia. Il expose la doctrine classique et écrit : « lÉglise vit continuellement du sacrifice rédempteur du Christ. Le sacrifice se perpétue sacramentellement dans chaque communauté par les mains du prêtre consacré ». Ainsi, « personne dautre quun prêtre ordonné ne peut célébrer leucharistie ». Il ajoute que la doctrine de la transsubstantiation est toujours valide. Cest clair, net et précis : ni communauté ni eucharistie sans prêtre.
À la question que nous nous posons, ce texte répond : « Lunité de lÉglise comporte lexigence de la communion totale dans les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique ; il nest pas possible de concélébrer la même liturgie eucharistique jusquà ce que soit rétablie lintégrité de ces liens. » Communier ensemble sans attendre le rétablissement intégral des liens en matière de doctrine et de discipline ecclésiastique est donc, du point de vue catholique, une erreur.
Malgré la colère de certains, la désillusion de beaucoup et la tristesse de tous, on avait oublié non seulement que lcuménisme se vit à plusieurs niveaux, celui des communautés locales, plus pratique, et celui des théologiens, plus clérical ; mais surtout, que deux conceptions radicalement opposées de lcuménisme sont en présence, la catholique et la protestante. Tant que lECR ne comprendra pas quelle nest pas seule à représenter la totalité de lÉglise et quelle voudra imposer à tous sa conception autoritaire et dogmatique de lunité et de la vérité, tout dialogue sera impossible. Il ne pourra reprendre que sur dautres bases et avec dautres méthodes.
Lunité nest pas uniformité ; celle de lÉglise peut ressembler à celle dun couple : ni fusion, ni domination, mais communion, partage, complémentarité, acceptation des différences. Il faut vivre ensemble et aimer lautre tel quil est, non tel que lon veut quil soit.
Quant à la vérité, elle nest jamais ni une ni définitive, mais plurielle et relative. La conception catholique du dogme nest pas acceptable ; elle nest pas conforme à la réalité. Les dogmes ne peuvent être ni infaillibles ni définitifs car ils sont liés à lhistoire et tributaires dune culture, dune civilisation et dun langage qui ne cessent dévoluer et de changer ; ils deviendront caducs un jour ou lautre.
Les mots ne rendent jamais compte ni parfaitement, ni totalement, de la pensée divine. Avant Karl Barth, saint Augustin disait déjà : « Dieu est tout autre que ce quon peut en penser ou en dire. »
Par ailleurs, on peut modifier la forme sans changer le fond. Si Jésus était né en Chine, il naurait pas pris du pain et du vin pour célébrer la Cène, mais du riz et du thé. Des jésuites ont tenté lexpérience : on les a immédiatement rappelés à lordre.
Jean XXIII avait ouvert une piste qui aurait évité limpasse dans laquelle nous sommes aujourdhui. Son discours douverture du Concile, le 11 octobre 1962, di-sait : « Autre est la substance de la foi, autre sa formulation », phrase reprise dans deux documents conciliaires : le décret sur lcuménisme Unitatis redintegratio du 21 novembre 1964 (n° 6) et la constitution pastorale sur lÉglise Gaudium et Spes, du 7 décembre 1965 (n° 44 et 66).
Jamais personne na repris cette possibilité dun nouveau dialogue et nous ne pouvons pas demander à lECR de changer de position. Elle a fait un choix quelle déclare seul acceptable : les vérités de foi se trouvent dans lÉcriture et dans la tradition. Nous, protestants, en avons fait un autre en estimant quelles ne se trouvent que dans la tradition apostolique, cest-à-dire lÉcriture seule, la tradition post-apostolique étant explicative mais non normative.
Luther déclara
à la diète de Worms, le 17 avril 1521 : « Ni ne
pouvons ni ne voulons nous rétracter. » Le texte de Jean
« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père
» (Jn 14,2) nous autorise à être chrétien
autrement.
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Numéro 185 |
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