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On sait aujourdhui que la fête de la naissance de Jésus, commémoration dun événement passé, nétait absolument pas la première préoccupation des adeptes du Jésus historique. |
Certes, le Noël daujourdhui charrie des fonds de coutumes et de croyances souvent plus anciennes que le message chrétien. Les fêtes davant le christianisme, en nos contrées dites occidentales, fournissaient un support adéquat, ou pour le moins utile à lannonce du message « évangélique ». Les fêtes de la lumière renaissante après le vécu de lobscurité croissante étaient naturellement en phase avec le message de lévangéliste Jean lorsquil compare la venue tantôt de Jean-Baptiste tantôt de Jésus avec lirruption de la lumière divine dans le monde. Sur un autre plan, les élites soucieuses de prolonger cette vie et le pouvoir que lexistence leur donnait nétaient pas insensibles à lannonce dun « sauveur » ; on pensera par exemple aux chefs Francs de jadis qui entraient en conversion ou se montraient généreux pour les monastères.
On était encore loin du sapin de Noël et des quelques rares lumières qui lornaient, il y a deux ou trois siècles!
La question existentielle de lêtre humain, celle du « pourquoi » de notre présence sur la Terre et sur le devenir du monde, semble être demeurée sensiblement la même à travers les âges et les religions. Noël peut-il apporter une réponse, un réconfort, mais aussi une lumière ? En somme, la fête peut-elle ouvrir une perspective ?
Et quel Noël convient-il de faire nôtre ? Celui de linflation des lumières, ou celui de la petite lumière enfouie dans les édifices apparemment « bétonnés » (au sens figuré du terme !!) de nos vies et du monde ? Navons-nous pas à faire le parcours intellectuel que firent les premières générations de chrétiens, lorsquils passèrent de lattente dun royaume concret pour Israël à la conscience dune présence divine, passant ainsi du message de Jésus annonçant la proximité dun Royaume au message au sujet de Jésus. Qui est-il pour nous, au-delà de léchec de son projet marqué par Golgotha ; en quoi nous aide-t-il à vivre ?
On sait aujourdhui que la fête de la naissance de Jésus, commémoration dun événement passé, nétait absolument pas la première préoccupation des adeptes du Jésus historique. Jusquau moment où il fallut prouver lancrage divin de celui autour duquel sesquissait et sur lequel allait bientôt se fonder, sans doute malgré lui, une nouvelle religion : celle de Jésus, le prophète de Nazareth, le messie-roi, dont on espérait que léchec ne serait que provisoire, celui auquel on donnera même le titre divin de « seigneur » dans certaines Églises dès le premier siècle.
Les détails relatifs à la naissance de Jésus étaient absents des proclamations des Églises des premiers temps et de leurs pratiques liturgiques. Ce nest quune cinquantaine dannées après le « ministère » de Jésus que lon sest interrogé à ce sujet. Les renseignements historiques sur lévénement semblent avoir été complètement estompés à ce moment-là, si jamais quelquun, en dehors de la famille de Jésus, avait eu le souci de les communiquer à la postérité.
Matthieu et Luc témoignent de ce questionnement. Jean aussi, à sa manière. Alors que lévangile selon Marc voit en Jésus un homme comme les autres que Dieu choisit pour une mission particulière (le « récit » du baptême en Marc 1 le montre bien), Matthieu (ch. 1) et Luc (ch. 1) font remonter lintervention divine dès avant la naissance de Jésus. À linterrogation répond la confession des Églises : Dieu est présent en Jésus. Et de la confession de foi, la tradition postérieure va faire quasiment un événement « historique », comme si Dieu lui-même avait engendré Jésus ! Un peu plus tard vers la fin du premier siècle et dans le milieu différent que fut celui de lévan-gile selon Jean, il est affirmé au sujet de « celui qui devait venir » quil participe de lintimité même de Dieu le « verbe » (logos en grec) était avec Dieu, il est même Dieu.
Noël fournit donc une bonne occasion pour poser ou reposer la question du sens de notre existence. Dieu y est-il présent, comme il la été en Jésus, ou en dautres ? Cette lumière divine, na-t-elle pas été toujours dans le monde ? Où la chercherons-nous, sinon dans la vie, notre vie, la vie dun chacun ? Cette présence de Dieu nest-elle pas là, dès lors que la vie paraît ?
Comme le confessent les évangélistes Matthieu et Luc à leur manière, en utilisant le symbole de lEsprit Saint, Dieu est en lhomme Jésus. Il est en Marie, la douce porteuse de la vie en gestation. Il est en lhomme souffle de vie. Il est en lhomme lorsque celui-ci reconnaît en lui cette force venue dailleurs.
LAdoration des Mages, manuscrit fait à Liège xie siècle. Bibliothèque de Bamberg (Allemagne) D.R. Reproduit dans le magnifique ouvrage de Madeleine Félix, Le Livre des Mages, Paris Desclée de Brouwer, 2000 |
Ceux qui, dans lÉglise ancienne, chantent lhymne devenu le « magnificat » (Lc 1,46-53) et le mettent dans la bouche de Marie, célèbrent Dieu qui rejoint justement lêtre humain dans sa chair, dans sa substance dêtre terrestre, fini, fait de glèbe, pour lui donner une perspective. Souvrir au message de lÉvangile consiste à repérer en Jésus létincelle divine qui sy trouve. Ce faisant, nous nous y regardons comme dans un miroir : Jésus nous renvoie à létincelle divine en nous. Et, en même temps, il nous invite à prendre conscience de la destinée divine de chaque humain.
Lhumanité, comme notre vie propre, prend alors le visage dune réalité en devenir.
Marie, la contemplative, devient prophète de Dieu ! De porteuse denfant, elle devient la porteuse du message despérance qui inclut la justice et la dignité humaines.
Ainsi la conscience de la présence de Dieu prolonge notre destinée brute. Celui ou celle qui reçoit Dieu comme Marie le reçoit, sil chante la louange, ne pourra pas en rester là : il lui faudra simpliquer, se risquer, sengager.
Comme Marie, comme Jésus et comme tant dau-tres,
saisissons le flambeau de ceux qui croient en un monde ouvert sur un
avenir dont la construction nous incombe, ceux qui croient quen
la plus sombre réalité, létincelle peut jaillir.
Bienvenue |
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Numéro 184 |
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