Au début de mon ministère
je me suis passionné pour le catéchisme de Wilfred Monod
père de Théodore, « le saharien »- :
« Viens et vois » (Paris 1928). Je trouve particulièrement
intéressant quactuellement le site de la paroisse de lOratoire
du Louvre propose les cours dinstruction religieuse La vie divine
dA.-N. Bertrand donné à Paris pendant et juste après
la période de loccupation (www.oratoiredulouvre.fr/documents.html).
Lédition de catéchismes fut une particularité
de la Réforme (Petit et Grand Catéchisme de Luther ; Catéchisme
de Genève de Calvin) auquel le catholicisme très tôt
a essayé de répondre (Catéchismes de Canisius et
de Bellarmin). Les Eglises antagonistes proposaient en général
(il y a des exceptions, notamment le catéchisme de Heidelberg)
lenseignement chrétien en structurant leurs exposés
en trois parties : la foi, ou les vérités à croire,
par un commentaire du Credo ; la Loi, ou les commandements à
observer, par un commentaire des 10 commandements ; les moyens de grâce,
les sacrements et la vie chrétienne, par une explication du Notre
Père et en abordant les questions autour la vie future du monde
et du croyant.
Le Précis du Catéchisme dOstervald, du XVIIIe
siècle, repris depuis Nîmes par le pasteur du Désert
Paul Rabaut, fut réédité (chez Grassart et Fischbacher
à Paris) jusquà la fin du XIXe siècle. Il
garde globalement la même structure mais de façon très
abrégée (de 60 à 70 p., petit format) et garde
la forme questions réponses.
Le catéchisme pré-libéral du nîmois Samuel
Vincent en 1817 dissocie le Symbole des apôtres (le Credo), les
10 commandements et lOraison dominicale (le Notre Père)
des vérités de la religion et des devoirs de la religion
en les plaçant en annexe à coté dune liste
de passages bibliques et un recueil de prières. Vincent est moins
polémique à légard du catholicisme que Rabaut.
Un autre catéchisme pré-libéral, du pasteur parisien
Coquerel-père (éditions de 1833 ou de 1855), contourne
ou atténue seulement les doctrines traditionnelles. Se voulant
historique donc chronologique, Coquerel nuance le plan tripartite (religion
naturelle, besoin de révélation, révélation
primitive, patriarcale, mosaïque, prophétique, J.-C. (
)
devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers nous-mêmes)
et abandonne la référence au Symbole des apôtres.
Chez
les protestants libéraux connus ou dénoncés comme
les plus radicaux ou extrémistes jai trouvé un très
beau volume (28cm sur 19cm ; 4cm dépaisseur doré
sur tranches ; il manque la reliure) du cours de religion de 1863 de
Frédéric Desmons qui fut un temps chef de file des pasteurs
libéraux dans le Gard. Il renoncera en 1881 au pastorat pour
se consacrer à la politique et à la direction du Grand
Orient ; il finira libre penseur.
Le manuscrit de 660 pages (déposé actuellement au Fonds
Protestant de la Médiathèque Carré dArt de
Nîmes) écrit par une de ses catéchumènes,
avec une écriture très fine et serrée, ressemble
à une véritable encyclopédie, indigeste par sa
façon daccumuler le savoir, une uvre de compilation
plus que de pédagogie, évidemment totalement inappropriée
à la catéchèse dadolescents ! Son contenu
pris à Louis Fabre pour les dogmes et à Jean Alzog pour
lHistoire na, en réalité, quasiment rien de
libéral.
Contemporain et ami de Desmons, Auguste Grotz dictait aussi son Cours
dinstruction religieuse : une oeuvre infiniment plus modeste (120
pages ou 280 pages seulement suivant les années), simple et modérée
mais théologiquement peu originale. Curieusement Desmons exerçait
à la campagne et Grotz était pasteur à Nîmes,
« la Genève provençale », ville importante
(plus que Montpellier) au XIXe siècle ! André Gounelle
(qui fut comme moi pasteur à Nîmes) me fait remarquer que
peut être à lépoque les campagnes avaient
une moyenne culturelle plus élevée que le pré-prolétariat
de Nîmes.
Inclassable le Manuel déducation chrétienne de
Trial en 1905, catéchisme inductif construit autour de la recherche
humaine du bonheur (le but suprême, les devoirs sociaux et individuels,
etc.), doit être lu en dialogue avec le Cours de religion chrétienne
de Babut, son collègue orthodoxe au Grand Temple de Nîmes.
Avant la génération Monod et A.-N. Bertrand, sest
constituée une équipe pastorale dans le Midi qui mit en
uvre un catéchisme que je trouve particulièrement
intéressant comme représentant la pensée des libéraux
qui ont influencé notre protestantisme français au XIXe
siècle (plus proche des sermons de Grotz, que ne létait,
curieusement, le propre Cours dinstruction religieuse du même)
et écrit dans un réel souci dédification
et de formation. Par sa clarté il noublie pas les ados.
Ce catéchisme dit « de Louis Salles », Manuel dInstruction
religieuse refondu et réédité plusieurs fois entre
les deux guerres mondiales par les pasteurs Fayot et Genet, fut utilisé
dans les villes de Mazamet, Nîmes, Montauban et Montpellier où
ces pasteurs ont exercé. Ce catéchisme peut être
relu aujourdhui comme un recueil initiant à la lecture
biblique. Les versets sont classés entre ceux qui doivent être
appris « par les élèves » et ceux qui sont
seulement « à chercher » et à copier ! Il
peut être lu à profit comme une initiation « dogmatique-
soft » et comme une façon de redécouvrir le christianisme
!
Assurément certaines pages sont à critiquer : celles
sur la supériorité du christianisme comme « religion
des peuples les plus civilisés », celles sur la toute puissance
de Dieu (le catéchisme propose toutefois un appendice abordant
la question du désordre physique et le problème du mal).
Le Manuel termine ses leçons doctrinales sur lEglise par
la confession des péchés souvent repoussée aujourdhui
: « Seigneur Dieu, Père éternel et tout puissant,
nous reconnaissons et nous confessons , devant ta sainte majesté,
que nous sommes de pauvres pécheurs, n é dans la corruption,
etc.. » Mais, comparativement, les autres catéchismes ont
beaucoup plus vieilli que ce document. Quon lise les manuels catholiques
ou protestants-évangéliques davant 1962 : avec leurs
compréhensions magiques et sacrificielles, leurs arguments dautorité
et notions culpabilisatrices à souhait !
Peut être trop consensuel dans sa façon de présenter
lHistoire de lEglise (au singulier !), le Manuel dInstruction
religieuse dit « de Louis Salles » comporte pour son époque
plusieurs hardiesses dogmatiques:
- toutes les religions peuvent être considérées
comme révélations de Dieu,
- lidée que lUnivers renferme dautres humanités
que celle de la terre est proposée,
- la Bible nest pas exempte de récits légendaires,
- Jésus-Christ a dans son enseignement changé notre
image de Dieu,
- le Salut universel est évoqué ( nous pouvons espérer
quen fait
).
Evangile et liberté, aujourdhui, est évidemment
beaucoup plus novateur et intègre les soupçons de la post-modernité.
Le Manuel dInstruction religieuse dit « de Louis Salles
» a le mérite dêtre structuré et daté
: il se termine par les déclarations de principes de Jarnac et
de Montpellier (1906, 1905).
Il est classiquement Libéral par son souci de faire concilier
:
- la science et la foi (la naïveté du livre de la Genèse
est reconnue, la création est comprise de façon évolutive
et sans péché originel),
- le naturel et le spirituel ( Jésus-Christ nest pas
revenu sur terre - c.-à-d. ressuscité- matériellement),
- lhistorique et la recherche critique (est évoqué
par exemple-nous le soulignons car la catéchèse est
généralement focalisé au tour de Bethléem
par les fêtes de Noël- que pour certains historiens Jésus
serait né à Nazareth),
- lhumain et le divin (J.-C. est présenté plus
par son enseignement que par lidée dincarnation).
Ce modeste document nous semble une bonne approche dun christianisme
protestant et libéral que nous souhaitons en ce début
du XXIe siècle plus vécu et mieux compris.
Michel
Jas