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Ancien catéchisme protestant libéral

document présenté par le pasteur Michel Jas

 

Pour télécharger une image "pdf" du Manuel d’Instruction religieuse édité par les pasteurs Fayot et Genet

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Au début de mon ministère je me suis passionné pour le catéchisme de Wilfred Monod –père de Théodore, « le saharien »- : « Viens et vois » (Paris 1928). Je trouve particulièrement intéressant qu’actuellement le site de la paroisse de l’Oratoire du Louvre propose les cours d’instruction religieuse La vie divine d’A.-N. Bertrand donné à Paris pendant et juste après la période de l’occupation (www.oratoiredulouvre.fr/documents.html).

L’édition de catéchismes fut une particularité de la Réforme (Petit et Grand Catéchisme de Luther ; Catéchisme de Genève de Calvin) auquel le catholicisme très tôt a essayé de répondre (Catéchismes de Canisius et de Bellarmin). Les Eglises antagonistes proposaient en général (il y a des exceptions, notamment le catéchisme de Heidelberg) l’enseignement chrétien en structurant leurs exposés en trois parties : la foi, ou les vérités à croire, par un commentaire du Credo ; la Loi, ou les commandements à observer, par un commentaire des 10 commandements ; les moyens de grâce, les sacrements et la vie chrétienne, par une explication du Notre Père et en abordant les questions autour la vie future du monde et du croyant.

Le Précis du Catéchisme d’Ostervald, du XVIIIe siècle, repris depuis Nîmes par le pasteur du Désert Paul Rabaut, fut réédité (chez Grassart et Fischbacher à Paris) jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il garde globalement la même structure mais de façon très abrégée (de 60 à 70 p., petit format) et garde la forme questions réponses.

Le catéchisme pré-libéral du nîmois Samuel Vincent en 1817 dissocie le Symbole des apôtres (le Credo), les 10 commandements et l’Oraison dominicale (le Notre Père) des vérités de la religion et des devoirs de la religion en les plaçant en annexe à coté d’une liste de passages bibliques et un recueil de prières. Vincent est moins polémique à l’égard du catholicisme que Rabaut.

Un autre catéchisme pré-libéral, du pasteur parisien Coquerel-père (éditions de 1833 ou de 1855), contourne ou atténue seulement les doctrines traditionnelles. Se voulant historique donc chronologique, Coquerel nuance le plan tripartite (religion naturelle, besoin de révélation, révélation primitive, patriarcale, mosaïque, prophétique, J.-C. (…) devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers nous-mêmes) et abandonne la référence au Symbole des apôtres.

cours de religion de 1863 de           Frédéric DesmonsChez les protestants libéraux connus ou dénoncés comme les plus radicaux ou extrémistes j’ai trouvé un très beau volume (28cm sur 19cm ; 4cm d’épaisseur doré sur tranches ; il manque la reliure) du cours de religion de 1863 de Frédéric Desmons qui fut un temps chef de file des pasteurs libéraux dans le Gard. Il renoncera en 1881 au pastorat pour se consacrer à la politique et à la direction du Grand Orient ; il finira libre penseur.

Le manuscrit de 660 pages (déposé actuellement au Fonds Protestant de la Médiathèque Carré d’Art de Nîmes) écrit par une de ses catéchumènes, avec une écriture très fine et serrée, ressemble à une véritable encyclopédie, indigeste par sa façon d’accumuler le savoir, une œuvre de compilation plus que de pédagogie, évidemment totalement inappropriée à la catéchèse d’adolescents ! Son contenu pris à Louis Fabre pour les dogmes et à Jean Alzog pour l’Histoire n’a, en réalité, quasiment rien de libéral.cours de religion de 1863 de           Frédéric Desmons

Contemporain et ami de Desmons, Auguste Grotz dictait aussi son Cours d’instruction religieuse : une oeuvre infiniment plus modeste (120 pages ou 280 pages seulement suivant les années), simple et modérée mais théologiquement peu originale. Curieusement Desmons exerçait à la campagne et Grotz était pasteur à Nîmes, « la Genève provençale », ville importante (plus que Montpellier) au XIXe siècle ! André Gounelle (qui fut comme moi pasteur à Nîmes) me fait remarquer que peut être à l’époque les campagnes avaient une moyenne culturelle plus élevée que le pré-prolétariat de Nîmes.

Inclassable le Manuel d’éducation chrétienne de Trial en 1905, catéchisme inductif construit autour de la recherche humaine du bonheur (le but suprême, les devoirs sociaux et individuels, etc.), doit être lu en dialogue avec le Cours de religion chrétienne de Babut, son collègue orthodoxe au Grand Temple de Nîmes.

Avant la génération Monod et A.-N. Bertrand, s’est constituée une équipe pastorale dans le Midi qui mit en œuvre un catéchisme que je trouve particulièrement intéressant comme représentant la pensée des libéraux qui ont influencé notre protestantisme français au XIXe siècle (plus proche des sermons de Grotz, que ne l’était, curieusement, le propre Cours d’instruction religieuse du même) et écrit dans un réel souci d’édification et de formation. Par sa clarté il n’oublie pas les ados. Ce catéchisme dit « de Louis Salles », Manuel d’Instruction religieuse refondu et réédité plusieurs fois entre les deux guerres mondiales par les pasteurs Fayot et Genet, fut utilisé dans les villes de Mazamet, Nîmes, Montauban et Montpellier où ces pasteurs ont exercé. Ce catéchisme peut être relu aujourd’hui comme un recueil initiant à la lecture biblique. Les versets sont classés entre ceux qui doivent être appris « par les élèves » et ceux qui sont seulement « à chercher » et à copier ! Il peut être lu à profit comme une initiation « dogmatique- soft » et comme une façon de redécouvrir le christianisme !

Assurément certaines pages sont à critiquer : celles sur la supériorité du christianisme comme « religion des peuples les plus civilisés », celles sur la toute puissance de Dieu (le catéchisme propose toutefois un appendice abordant la question du désordre physique et le problème du mal). Le Manuel termine ses leçons doctrinales sur l’Eglise par la confession des péchés souvent repoussée aujourd’hui : « Seigneur Dieu, Père éternel et tout puissant, nous reconnaissons et nous confessons , devant ta sainte majesté, que nous sommes de pauvres pécheurs, n é dans la corruption, etc.. » Mais, comparativement, les autres catéchismes ont beaucoup plus vieilli que ce document. Qu’on lise les manuels catholiques ou protestants-évangéliques d’avant 1962 : avec leurs compréhensions magiques et sacrificielles, leurs arguments d’autorité et notions culpabilisatrices à souhait !

Peut être trop consensuel dans sa façon de présenter l’Histoire de l’Eglise (au singulier !), le Manuel d’Instruction religieuse dit « de Louis Salles » comporte pour son époque plusieurs hardiesses dogmatiques:

  • toutes les religions peuvent être considérées comme révélations de Dieu,
  • l’idée que l’Univers renferme d’autres humanités que celle de la terre est proposée,
  • la Bible n’est pas exempte de récits légendaires,
  • Jésus-Christ a dans son enseignement changé notre image de Dieu,
  • le Salut universel est évoqué ( nous pouvons espérer qu’en fait…).

Evangile et liberté, aujourd’hui, est évidemment beaucoup plus novateur et intègre les soupçons de la post-modernité.

Le Manuel d’Instruction religieuse dit « de Louis Salles » a le mérite d’être structuré et daté : il se termine par les déclarations de principes de Jarnac et de Montpellier (1906, 1905).

Il est classiquement Libéral par son souci de faire concilier :

  • la science et la foi (la naïveté du livre de la Genèse est reconnue, la création est comprise de façon évolutive et sans péché originel),
  • le naturel et le spirituel ( Jésus-Christ n’est pas revenu sur terre - c.-à-d. ressuscité- matériellement),
  • l’historique et la recherche critique (est évoqué par exemple-nous le soulignons car la catéchèse est généralement focalisé au tour de Bethléem par les fêtes de Noël- que pour certains historiens Jésus serait né à Nazareth),
  • l’humain et le divin (J.-C. est présenté plus par son enseignement que par l’idée d’incarnation).

Ce modeste document nous semble une bonne approche d’un christianisme protestant et libéral que nous souhaitons en ce début du XXIe siècle plus vécu et mieux compris.

Michel Jas

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