Sans doute avez-vous appris par
les journaux, la radio ou la télévision qu"INRI",
un ouvrage qui en dautres circonstances aurait atteint un public
restreint et initié, avait fait lobjet, début
octobre, dun jugement en référé du Tribunal
de Bordeaux, intimant à trois libraires de la ville de le retirer
de la vue, sous peine damendes sévères.Motifs
: la couverture présente une (belle) photographie dune
jeune femme, en croix, la poitrine dénudée.Cela pouvait
blesser et choquer des personnes qui nont pas oublié
que cest un homme et non une femme qui a été crucifié.
La plainte avait été déposée par un
prêtre catholique, qualifié par les médias dintégriste,
ce quil est, sûrement.A lheure où ces lignes
sont écrites, le résultat de lappel interjeté
par la FNAC n'est pas connu.Car on peut vendre, mais non exposer louvrage
sur les rayons !...
Mais peu importe le résultat du travail de la justice qui
nintervient - et pour cause - quaprès lévénement.
Peut-on tout interdire ? Je pose la question parce quà
y regarder de près, bien des images me heurtent, me choquent
et me blessent et je pourrais être souvent tentée de
les faire interdire.
Je suis choquée par ce qui se passe aux Etats-Unis autour
de Monsieur Clinton et jaimerais pouvoir interdire aux médias
de se faire les porte-paroles complaisants de sordides histoires dalcove
(ou de couloir).
Je suis choquée par le livre dun ancien chroniqueur
judiciaire qui, sans que personne ne lui demande rien, sacharne
à démontrer la culpabilité de Omar Hadad, lequel
a pourtant bénéficié des circonstances atténuantes
tant les preuves irréfutables manquaient.
Je suis blessée par les livres, les films, les propos racistes
et machistes et jaimerais, soutenir par une association quil
ne serait pas difficile de créer, porter laffaire devant
les tribunaux.
Bref, beaucoup de choses de la vie me heurtent.
Mais interdire règle-t-il le problème, si problème
il y a ? L"INRI" de Madame Bettina Rheims et de Monsieur
Serge Bramly ne cherche manifestement pas à blesser, choquer
ou tourner en dérision. Quiconque la tenu en main et
regardé tranquillement, sans idée préconçue,
en conviendra. On peut, certes, ne pas apprécier le style particulier
de la photographie et ne pas partager linterprétation
de celui qui a écrit le texte.De là à interdire,
aux autres (car on nest pas contraint dacheter, de lire
et de souffrir), ce que lon napprécie pas soi-même,
il y a un pas quon doit hésiter à franchir.
Sauf à imaginer que les images et les textes mettant en scène
Jésus, sa vie, ses oeuvres, appartiennent aux seuls chrétiens,
aux chrétiens catholiques et intégristes de surcroît.
En somme, un groupuscule a réussi à convaincre un
tribunal quétant propriétaire de droit divin de
tout ce qui concerne Jésus, il est dans son droit en réclamant
un geste de censure.Elle est bien bonne.
Jen appelle à mes frères et soeurs catholiques
romains qui ne sont pas intégristes et à leur hiérarchie
pour quil fassent cesser cet outrage à la liberté
de penser, dinterpréter, de croire et de photographier.
Daucuns se plaignent, paraît-il, de ce que les églises
et les temples se videraient.Et bien, Madame Bettina Rheims nous montre
que sans fréquenter ces saints lieux, on peut fréquenter
les Ecritures et Celui qui en est au centre. Le sien, son Jésus,
nest pas pire et sans doute plus beau que bien des Jésus
fades ou effrayants, produits par des siècles dinterprétation
chrétienne.
En tout cas, je lui apporte mon modeste mais sincère soutien.
Elle me fait regarder autrement Celui auquel je crois.
Claudette
Marquet