Depuis quelques mois, la paroisse
est sans pasteur. Le président du conseil presbytéral
cherche à renseigner un éventuel candidat à ce
poste et il lui parle des paroissiens.
Voyez-vous, il y a Jean et Pierrette. Ils sont là depuis
toujours. Leur grands-parents étaient au conseil presbytéral,
il y a bien longtemps. Une de leurs filles est handicapée profonde
et ils soccupent beaucoup delle. Ils ont créé
une association de parents dhandicapés.Ils sécoutent,
sencouragent, apportent une aide morale à ceux qui craquent,
visitent aussi les adultes trisomiques de la maison daccueil
de lEspérance, leur font faire du jardinage.On ne les
voit jamais au temple
ou si peu, mais quelquefois aux études
bibliques.
Il y a Dominique. Près de chez elle, habitent des immigrés
mal dans leur peau, danciens harkis aussi dont les enfants sont
devenus violents : bagarres, petits larcins. Elle les assiste, fournit
des vêtements, aide à établir des dossiers, les
défend devant la police, devant la préfecture. Tout
son temps y passe; On ne la voit pas au temple, bien sûr, le
dimanche cest le seul jour quelle peut partager avec son
mari juif.
Il y a Myriam et Alice. Toutes deux ont aidé des catholiques
à constituer une uvre de prévention du Sida et
découte des sidéens. Quand elles nous parlent
-bien rarement, car on ne les voit guère- cest passionnant.
Jean-Claude sest lancé avec Gisèle, une
catholique dans une catéchèse cuménique
avec le curé de Saint François. Beaucoup de réunions
de préparation leur prennent du temps.La catéchèse
a lieu à léglise à peu près à
lheure du culte. Alors
Il y a aussi Joseph et Josette qui est catholique. Ils font
de lenseignement aux gens du troisième âge. Cest
fou ce quil y a, surtout à la campagne, dappétit
dinstruction, douverture sur le monde et sur les religions.Depuis
dix ans, ils ont fait un travail magnifique. Pour les religions, le
curé leur a dit quil était trop pris, cest
donc Joseph qui sen est chargé. Beaucoup de succès
: jy vais dailleurs assez régulièrement.
On ne les voit guère au temple, seulement pour les grandes
réunions, car ils habitent loin. De plus, ils sont en train
de créer avec juifs et musulmans une Fraternité dAbraham.
Vaste projet que notre précédent pasteur soutenait activement
et auquel Dominique prend part.
Le secours populaire a mobilisé Claude. Ils ont un
vestiaire très bien tenu. Mais il faut réparer les vêtements,
les rendre présentables. Tout le temps que Claude ne passe
pas à léducation de ses trois jeunes y passe.
Cest une mère célibataire.
Henri-Roger travaille le week-end pour les émissions
de radio religieuse, associé avec les paroisses de Saint-François
et de Saint Martin.Il est très rarement au culte.
Adeline a monté une chorale. Cela marchait bien autrefois
dans la paroisse. Mais maintenant il ny a plus assez de monde.
Pensez : tous les jeunes sont partis assez loin pour leurs études.
Alors elle sest tournée vers ladministration pénitentiaire
et elle a pu constituer une chorale chez les détenus. Nous
les avons entendus à la prison à Pâques. Cétait
très émouvant. Elle a réussi parce que son frère
Max est visiteur de prison. Il y est toutes les semaines. On ne les
voit pas au temple ou si peu
Avec Mireille, Jacqueline et Adeline, Marc a monté
une association daccueil des familles des détenus. Des
catholiques les ont rejoints un peu plus tard. La Mairie leur a fourni
une vieille maison quelle a réparée. Ils sont
en train de laménager avec six chambres et ils prévoient
une permanence, tous les soirs. Le plus important est découter
ces familles, de leur apporter lespoir et la dignité.
Ils cherchent des volontaires pour les aider.
Jacques, François et Béatrice militent dans
une association de défense de la nature. Jacques la constituée
et sest présenté aux élections cantonales
comme candidat écologique. Tous sont adorables, cependant leur
amour de la création leur fait un peu oublier lamour
de leurs semblables. On ne les voit guère au temple, car ils
ont agacé un peu certains paroissiens.
De plus, Béatrice anime un groupe dadolescents
qui réparent de vieilles ruines.Les chantiers ont lieu les
week-ends, deux fois par mois. Les chantiers ont lieu les week-ends,
deux fois par mois. Les jeunes sont durs à tenir, mais passionnés.
Cela leur évite de traîner ailleurs.
Jean-Paul et Isabelle sa copine ont monté une garderie
denfants le dimanche. Cétait pour que les parents
soient libres de venir au culte. Cela marche mal.Les parents libérés
vont à la braderie mensuelle ou au cross
La paroisse comprend, à trente kilomètres environ,
la bourgade de Saint-Julien-des-trois-Rois.Ce sont surtout des personnes
âgées depuis que lusine de boutons a fermé.
Sybille et Françoise les visitent régulièrement
comme Bertrand visite, un peu plus loin, deux vieux couples à
Saint-Michel-Aux Anges. Tous ces vieux hésitent à venir
au temple lhiver, même en se groupant. Et lété,
ils préfèrent recevoir leurs petits-enfants. Ils se
réunissent le dimanche chez les uns ou chez les autres pour
regarder le culte à la télévision et se passer
des revues religieuses.
Et au temple finalement, interroge le candidat pasteur ?
Et son interlocuteur de reconnaître que les cultes sont très
peu suivis, quil ny a plus personne pour tenir lorgue
depuis la mort de la chère Nadine et quun jeune guitariste
joue souvent, mais suivant un rythme un peu fantaisiste que les rares
paroissiens peinent à suivre. Et de conclure que tous les paroissiens
sont très attachants, très occupés et que le
pasteur sera heureux de les rencontrer.
Où ? Chez eux ou dans les lieux de leur apostolat, bien sûr.
Ce tableau dune paroisse est, vous lavez compris, imaginaire.Mais
lest-il tellement ?
Bien des protestants sont, par leur foi, amenés à
des engagements concrets dont ils sentent la nécessité
pour les autres- peut-être aussi un peu pour eux. Cest
ainsi quils manifestent leur façon de répondre
à lamour premier de Dieu.
Cest à cela que je pensais au forum des institutions
protestantes à Versailles au mois doctobre.Le protestantisme
de paroisse sétiole, mais le protestantisme tout court,
celui des uvres et mouvements est bien vivant. Ne lui demandez
pas plus de théologie quil ne sen trouve dans la
parabole du Jugement dernier !
B.
Felix