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Foi et raison, catholicisme et islam

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Réaction des lecteurs d'Évangile et liberté

Après les réactions de Raphaël Picon, Henri Persoz et André Gounelle à la déclaration du pape Benoît XVI, le mardi 12 septembre 2006 à Ratisbonne en Allemagne.

Nous avons ici la réaction de Monsieur Maurice Causse.

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Point de vue

La conférence de Benoît XVI à l'Université de Ratisbonne est un événement qui, en toute hypothèse, fera date. Elle est aussi importante que le fut, en son temps, le voyage de Jean-Paul II en Pologne. Ces deux papes non-italiens auront accompli des actes décisifs et retentissants de leurs pontificats lors de voyages symboliques dans leurs pays respectifs. La masse populaire en Pologne, le prestige universitaire en Allemagne. Le poids insupportable du régime politique imposé par l'occupant séculaire d'un côté, celui de l'Islamisme dans la société turque immigrée en Allemagne de l'autre. Autrement dit, en face d'un problème à résonance mondiale, urgent, le pape trouve dans sa patrie d'origine un appui naturel et nullement superflu. Son intervention peut être contestée, mais la dernière hypothèse raisonnable serait bien celle d'une «gaffe». Elle peut tout au plus embarrasser la Curie romaine, voire sa partie sur l'échiquier politique du Moyen-Orient.

Faire ces observations n'est pas approuver l'argumentation du Souverain Pontife. Il condamne le Siècle des Lumières et le Libéralisme du XIX° siècle, on ne saurait attendre autre chose d'un pape, ni de l'ancien et redouté Cardinal Ratzinger. Plus: il est bon de se positionner entre les extrêmes, entre fondamentalistes et rationalistes, et la séquence qui met en cause le djihad se situe dans ce contexte. Enfin il le fait avec des accents d'émotion qui peuvent éveiller sympathie et respect, à défaut de l'assentiment.

Pour le Protestant français que je suis, le discours du pape représente une occasion nouvelle, succédant à bien d'autres, de rappeler notre identité originale héritée de l'Histoire. Il est trop méconnu que sa relation à l'Islam en fait partie. Les Pères du Protestantisme français ne sont pas les Réformateurs, mais les martyrs. L'Institution de Calvin fut d'abord un plaidoyer pour la cause des martyrs, pour la povrette église, afin de n'être pas trouvé lâche et déloyal. Or cette situation rencontra sympathie et respect en terre d'Islam.

Le Journal du galérien Jean Marteilhe l'atteste de façon émouvante. Les théologiens du Réformisme musulman à la fin du XIX° siècle également, notamment le Cheikh Abdou. La Guerre d'Algérie aussi; dans son livre «Pasteur en Algérie», Elisabeth Schmidt raconte comment, à l'approche de l'Indépendance, redoutée par les Français, sa femme de ménage la rassurait: Il n'y aura pas la Barthélemy !

Il y a peu d'années encore, en 2002, un professeur d'université iranien fut condamné à mort pour en avoir appelé à une réforme de l'Islam s'inspirant du Protestantisme. Or les maîtres musulmans qu'il citait en référence étaient précisément ceux du Réformisme du XIX° siècle.

Qu'il soit donc dit, une fois encore, que la position protestante française est spéciale. L'Islam fut une hérésie chrétienne dont le Chef a formé une grande religion. Il y avait à l'époque d'autres religions chrétiennes hérétiques au Moyen-Orient, persécutées par le Catholicisme constantinien, et elles ont mis plusieurs siècles à se situer définitivement, par rapport à l'Islam, du côté chrétien. La Liberté de conscience existait dans l'empire turc alors que les Protestants étaient persécutés dans l'Europe Catholique, et l'on oublie que, dans la conversion des Turcs à l'Islam, c'est le vainqueur qui adopta la religion du vaincu.

Cela dit, d'éminents orientalistes, au premier plan d'entre eux ceux de langue allemande, ont renouvelé le débat sur les origines de l'Islam. Certains aujourd'hui encourent des dangers. Comme le rappelle une tradition islamique utilisée comme introduction à la célèbre traduction du Coran par Régis Blachère: Quiconque traite du Coran et est dans le vrai, est cependant en faute.

Les intellectuels musulmans ne sont pas les derniers à souhaiter reprendre les débats de fond, éduquer la masse à l'esprit critique. Bien sûr, ils ont raison. Mais la critique la plus accessible à la masse est d'abord l'Histoire. Le Protestantisme fut persécuté. L'Islam a connu la Liberté de conscience. L'espoir est permis.

Laissons ici le dernier mot à l'écrivain musulman Amadou Hampaté Bâ, dans Oui mon Commandant. Placé devant un dilemne difficile, Tout à coup une parole du Prophète Mohammad me revint en mémoire. Un jour il avait dit à ses compagnons: Aucun croyant ne doit quitter cette terre sans avoir, au moins une fois dans sa vie, violé la shari'a (loi islamique) au nom de la pitié.

Maurice Causse

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